“La musique, c’est un besoin primaire chez moi. J’ai besoin d’écrire des chansons. Pour mon équilibre mental, la musique a été essentielle. Sans elle, il y a plein de choses que je n’aurais pas su affronter.”
VENDREDI 21 JUIN
Exutoire. Et c’est encore euphémisme. Il suffit de s’entretenir quelques instants avec Zaoui pour comprendre que chez lui, la musique est viscérale. Et il suffit d’écouter son premier album solo, Pulsations, pour deviner l’intensité des combats intérieurs chez l’ancien Thérapie Taxi. “Ce premier album est très important pour moi. J’ai rencontré plusieurs labels quand Thérapie Taxi s’est arrêté. Tous voulaient un premier album direct. J’ai dit non. Je voulais absolument d’abord faire un EP. Je ne me sentais pas prêt, j’avais peur, des doutes. Et un premier album, c’est un marqueur très fort dans une carrière et il ne faut pas te rater.”
Zaoui ne veut rien galvauder. Il sort donc en juin 2022 l’EP “Mauvais Démons“ chez 3ème Bureau et travaille trois années sur ce premier album qui se nomme donc “Pulsations”. Et ce pluriel n’est ici pas anecdotique. Ça gicle de partout. C’est aussi le titre de l’ultime chanson du disque et l’une des premières composées, à un moment où la vie de Zaoui n’était pas franchement un long fleuve tranquille. “C’était possiblement le moment le plus compliqué pour moi, le plus fatidique. J’avais perdu ma mère et mon groupe coup sur coup, je n’avais pas de label, j’étais dans une période de doute très intense, j’avais très mal en fait, c’est la chanson la plus personnelle de l’album. Là, je ne passe pas par quatre chemins, c’est moins imagé, c’est moi. Et il était logique finalement que l’album s’intitule ainsi...”
On ne va pas citer encore la fameuse sentence de Nietzsche mais il y a beaucoup de ça dans ce disque rédempteur. Un cœur bat encore, malgré le chaos, malgré la douleur. Le sang circule encore, il alimente, il pulse. “Il reste encore des pulsations en moi” chante-t-il. Cri du cœur, oui. La vie, la vie, toujours la vie. Renaissance. Sur ce disque sans drapeau blanc, des chansons se répondent. Zaoui aime autant les titres feelgood, la pop solaire que les chansons écorchées. Il peut chanter des paroles délicieusement provocantes comme des mots d’une profondeur abyssale. Le décalage entre ses mélodies qui prennent par la main, capables de noircir bien des pistes de clubs et sa capacité à creuser dans ses tripes est assez saisissante. Qu’il chante sa bite ou la souffrance, ses virées nocturnes débridées ou ses fantômes, il vise toujours juste. En tout cas ne triche pas. Chez Zaoui, l’anecdotique flirte avec l’universel. L’instant présent avec l’éternité. C’est sa force.
Zaoui est un homme et comme tous les hommes, il est multiple. C’est Docteur Jekyll et Mister Hyde, la légèreté et la tourmente : à la fois sale gosse et père attentionné.
Vincent Duteuil, son guitariste sur scène, est le co-réalisateur du disque, enregistré lors de différentes sessions à Paris, dans un loft du côté de Stalingrad. Ilan Rabaté, son batteur, a aussi prêté main forte. 30 chansons ont vu le jour. Zaoui en a gardé 14. Il n’a rien précipité, a pas mal tourné. Il a repris goût à l’aventure.
La pochette, conçue par l’artiste Fifou, dit beaucoup de ce disque. Sorte de préface annonciatrice. Les nouvelles chansons de Zaoui sont une mise à nue, elles dévoilent une pop à la mélancolie lumineuse, avec des sourires en coin et des larmes qui creusent les roches de l’âme. C’est important, l’album sera accompagné d’un petit livre. “Parfois, j’ai peut-être un peu souffert de faire de la musique un peu trop pop et de ne pas avoir le bon format pour développer certains traits de ma personnalité. Écrire, c’est une manière de compléter mon profil. Et pour marquer le coup du premier album, de l’acte créateur de ma carrière solo, j’ai pensé à ce petit bouquin pour accompagner le vinyle.” Ce livre est bien une excroissance, un prolongement de son disque. Une pulsation sous prose. Il permet d’entendre l’album différemment. Zaoui ne s’interdit pas d’en publier une version plus fournie en 2024. À suivre donc.
“Aïe” est son morceau préféré du disque. L’album ouvre sur “Destin”, pop aux accélérations vortex, où Zaoui accroche ses rêves dans le noir et regarde droit devant. Sur le titre “Comme des Sauvages”, sorte de new wave sans poussière aux synthés spatiaux, aussi cool qu’introspectif, Zaoui convoque le cœur et les corps. Avec “Stigmate”, il perpétue la tradition de la chanson heartbreak, jette un coup d’œil dans le rétro mais avance, coûte que coûte. Son disque est pop, pop punk quand il convie Youv Dee sur “CTRL + Z”, “une madeleine de Proust” précise-t-il, quand il écoutait adolescent Green Day, Sum 41, The Offspring..., hip hop, limite bossa nova avec Live Del Estal sur le très joli “Sans se dire Adieu”... On peut l’entendre à un moment parler en studio, on croise des effets de saturation, un piano de pluie, des basses de velours, des synthés horizons.
C’est un disque sans entrave, une fête sans physionomiste organisée au bord du gouffre. Un disque actuel, celui d’un homme qui a arraché tous ses masques. Et pris pas mal de risques. Un disque furieusement vivant.